Derniers coups de griffes pour Wolverine
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À l'occasion de la sortie, en juillet dernier, du long-métrage Logan en DVD et Blu-Ray, nous vous proposons une petite rétrospective sur le personnage, sur les films X-Men au cinéma, sur les comics qui ont été utilisés comme sources par les scénaristes des sagas et, enfin, une petite critique de Logan

Clap de fin pour le mutant le plus célèbre, incarné à neuf reprises par Hugh Jackman dans tous les films de la franchise X-Men et dans la trilogie sur Wolverine. Logan, sorti le 2 mars 2017, a permis à l’acteur australien de sortir ses griffes une ultime fois, sous le signe de l’élégance et la réussite. Mais a-t-on vraiment dit adieu au personnage sur grand écran ? Si oui, faut-il s'attendre à voir X-23 lui succéder ?

Qui aurait cru qu’un super-héros de papier apparaissant dans une série consacrée à Hulk en 1974 (cf. illustration ci-contre) deviendrait une icône de la pop culture ? Depuis plus de quinze ans, tout le monde connaît Wolverine, dont la notoriété a décollé grâce au premier film X-Men de Bryan Singer. Dans ce long-métrage sorti en 2000, le mutant impulsif et amnésique volait la vedette à tout le reste du casting (Patrick Stewart, Anna Paquin, Ian McKellen, Famke Janssen, Halle Berry, James Marsden, Rebecca Romijn Stamos…). Le rôle, interprété par Hugh Jackman, transforma immédiatement l'acteur australien, alors âgé de 32 ans, en star mondiale.
L’immortel est revenu dans chaque autre film lié aux mutants : l’excellent X-Men 2 en 2003, toujours signé Bryan Singer, puis le moyen X-Men : L’Affrontement Final en 2006, de Brett Ratner, qui clôturait la première trilogie. Wolverine a ensuite eu droit à son premier film en solo, X-Men Origins : Wolverine (de Gavin Hood) en 2009 et sa suite, Wolverine - Le Combat de l’Immortel (James Mangold) en 2013. Tous deux sont clairement ratés et ne (re)donnent pas ses lettres de noblesse au personnage.

Heureusement, Wolverine apparaît dans la seconde trilogie, inaugurée en 2011 avec X-Men : Le Commencement (dans lequel il fait un caméo rapide mais inoubliable !), réalisé par Matthew Vaughn. Le second volet, l’un des meilleurs de la franchise, X-Men : Days of Future Past, sort en 2014, mis en scène par le revenant Bryan Singer. Wolverine est au centre du récit puisqu’il voyage dans le temps, entre les versions jeunes et âgées du professeur Xavier et du mythique antagoniste Magnéto.
En 2016, le mutant griffu pouvait être vu une huitième fois, le temps d’une scène où il campait la version la plus sauvage de Wolverine, dans X-Men : Apocalypse, œuvre décevante et rapidement oubliée. Logan constitue l’ultime chapitre de la saga Wolverine (voir notre critique ci-dessous) mais aussi la dernière apparition de Hugh Jackman dans ce rôle. L'évènement, un levier marketing de rêve, a été largement mis en avant lors de la promotion du long-métrage de James Mangold.


Hugh Jackman, une filmographie en dents de scie et un entraînement draconien

La qualité des films X-Men et Wolverine a varié… comme la filmographie de Hugh Jackman. Quand il n'alterne pas les navets, comme Van Helsing (2004), et les rôles de méchants… navrants, comme dans Chappie et Pan (2015), l’acteur australien assure. Il a tourné pour de talentueux réalisateurs dans d'excellents longs-métrages, dont certains sont devenus « cultes ». Christopher Nolan l’avait embauché pour Le Prestige (2006), Denis Villeneuve lui avait confié un des premiers rôles dans Prisoners (2013) et il a joué pour Darren Aronofsky (The Fountain en 2006) et Baz Luhrmann (Australia en 2008). Sans oublier, entre autres, Woody Allen (Scoop en 2006) et Tom Hooper (Les Misérables en 2012, où il incarnait Jean Valjean).

À chaque interprétation de Wolverine, c'est-à-dire tous les trois ans en moyenne depuis 2000 et tous les deux ans à partir de 2010, Hugh Jackman a suivi un entrainement intensif. « Pour X-Men 1, j’avais eu un mois pour me muscler avant le début du tournage, racontait-il lors de la promotion de Logan. Bryan Singer avait dû réussir des prouesses pour filmer mon corps. Il avait dit que c’était un cauchemar, parce que je n’étais pas prêt (rires) ! »
Pour les autres longs-métrages, le régime imposé fut nettement plus extrême : « Je devais manger pendant huit heures, puis jeûner pendant seize heures. » Durant ce jeûne, l’acteur enchaînait non-stop les séances de musculation et le sport. C'était une grande souffrance, de l'aveu même de Jackman, mais il ne veut pas s’en plaindre vu ce que ce rôle lui a offert dans sa vie ! Il faut savoir que le natif de Sydney, aujourd'hui âgé de 48 ans, a été opéré six fois depuis 2013 pour un cancer de la peau. Une fois de plus, le parallèle entre le combat du mutant immortel et celui du comédien fait sens…


Merci le film Deadpool et les comics !

Usé comme jamais dans Logan, Hugh Jackman/Wolverine n’est pas pour autant moins sanglant, bien au contraire ! Pour avoir assisté à sa terrible fureur, qui renoue (enfin) avec le personnage comme il se doit, le spectateur peut remercier Deadpool, sorti en février 2016, soit un an plus tôt. Ce long-métrage interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis (12 en France) avait démontré qu’un film de super-héros non destiné aux enfants et associant violence extrême et vulgarité, pouvait cartonner. Logan applique une recette similaire (avec nettement moins de mots grossiers) en se basant vaguement sur une trame narrative tirée d’une série de comics relativement sombre aussi, publiée en 2008 : Old Man Logan.

Dans un futur apocalyptique, Logan est responsable de la mort des X-Men et il s’est retiré avec sa petite famille, en jurant de ne plus utiliser ses griffes. Il accompagne Œil-de-Faucon (Hawkeye en VO) et tabasse des ennemis Marvel non-stop (Crâne Rouge, Hulk…). Une œuvre violente, triste mais originale et très bien écrite par Mark Millar. Faute de pouvoir exploiter les droits — ils sont répartis entre les studios de production ; la Fox ne peut pas utiliser des héros issus des Avengers, dans le giron Marvel Studios —, Logan ignore donc toute cette dimension pour se concentrer sur l'aspect road trip, plus ou moins dans le désert, mais avec autant de violence.
Le personnage de X-23, brièvement introduit dans la scène après le générique de X-Men : Apocalypse, est une création du dessin animé X-Men : Evolution qui date de 2003. C'est l’un des rares super-héros Marvel issus d'une production d’animation qui a droit à ses aventures sur papier. Elle prend le nom de Wolverine, digne héritier de son mentor, après la mort de ce dernier dans les comics (voir ci-dessous). On peut — on doit ? — s'attendre à voir ce personnage succéder au mutant griffu sur grand écran…


LA RELÈVE S'APPELLE X-23

La succession de Wolverine est assurée par X-23, alias Laura Kinney, conçue à partir de l'ADN du mutant immortel. Vingt-troisième sujet d'expérience dans le film et vingt-troisième clone de Wolverine (le seul réussi) dans les comics, pourvue de deux griffes au lieu de trois et d'un squelette « normal » (et non en adamantium), elle est de fait plus vulnérable mais tout aussi dangereuse que son « père ». Entraînée pour devenir une machine à tuer, la jeune fille ressemble à Wolverine par bien des aspects : elle est peu bavarde, incontrôlable, folle de rage, c'est une combattante et un assassin hors pair...

Sur papier, elle intègre en 2008 l'équipe illégale X-Force, conçue par Cyclope pour éliminer les menaces extrêmes. Celle-ci est dirigée par... Wolverine. En plus de X-23, on retrouve brièvement Caliban dans cette team, exactement comme dans Logan. Dans le long-métrage, Wolverine apprend quelques bonnes manières à sa descendante et l'aide comme il peut. S'ils ne partagent pas forcément une grande complicité, le lien qui les unit est fort et visible à l'écran. Laura, quasiment muette, lui rend un bel hommage à la fin. On sait que la jeune femme, solitaire et violente, rejoint les X-Men plus tard, dans les comics, et qu'à la mort de Wolverine, elle endosse son nom en tant qu'héritière légitime. On ignore si au cinéma, le même chemin attend le personnage mais il y a de fortes chances que ce soit le cas ! Introduire brillamment la relève dans Logan était d'ailleurs la chose la plus intelligente à faire afin de ne pas avoir à remplacer le Wolverine original par un autre acteur…

Publiée en 2014, la mini-série La Mort de Wolverine (écrite par Charles Soule) met en scène, comme son nom l’indique, la fin du héros iconique. Ni émouvante, ni épique — pour ne pas dire franchement ratée et décevante — cette source d'inspiration ne transmet pas grand-chose à Logan, à part éventuellement la fatigue et l’affaiblissement constant du personnage principal, qui a de plus en plus de mal à s’autoguérir.

Les scénaristes de la franchise X-Men et de la trilogie Wolverine ont puisé dans bon nombre de comics centrés sur l’immortel mutant. Wolverine : Origines de Paul Jenkins (2001-2002) pour la scène d’ouverture et le générique du début de X-Men Origins : Wolverine (clairement le meilleur passage) ainsi que Arme X de Barry Windsor-Smith (1991) pour le côté expérience militaire, incrustation d’adamantium dans le squelette, amnésie et lavage de cerveau, etc. Même source d’inspiration, entre autres, pour la structure scénaristique globale concernant le personnage dans la première trilogie et dans le passage qui lui est consacré dans X-Men Apocalypse.

Les couvertures françaises des comics évoqués dans cet article. Le sixième (Logan) n'est plus édité mais est disponible légalement en ebook, le septième (Futur Antérieur) est issu de la collection Hachette uniquement disponible par abonnement.

La mini-série Wolverine de Chris Claremont et Frank Miller (1982) est l'une des références pour la partie japonaise de Wolverine. Le Combat de l’Immortel, avec l’autre mini-série, Logande Brian K. Vaughan (2008) pour le début du film. Futur Antérieur, alias Days of Future Past en V.O. (1981), scénarisée par John Byrne et Chris Claremont — des artistes qui ont grandement contribué au développement de Wolverine et des X-Men —, est l'inspiration directe pour le film éponyme. Avec une différence de taille tout de même, puisque ce n’est pas le mutant griffu qui voyage dans le temps mais Kitty Pride (jouée par Ellen Page dans les adaptations).


Des adieux définitifs ? 

Hugh Jackman n’a cessé de le répéter : l'aventure Wolverine est vraiment terminée pour lui. La fin de Logan ne laisse pas de doute sur le sujet. Attention spoiler : il meurt et il est enterré. On se rapproche ainsi d’une vision évoquée par Yukio dans Wolverine : Le Combat de l’Immortel (une théorie dénichée par un fan que Mangold a confirmée). Cette fin aurait pu être totalement différente puisque Jackman préférait que Wolverine reste en vie. Le comédien australien proposait ainsi une fin ouverte et un choix peut-être plus difficile pour le mutant (continuer de vivre avec le poids de la culpabilité). Le réalisateur, lui, a toujours voulu une mort définitive. « James a toujours été sûr de cette fin et il avait raison, a assuré Jackman. Contrairement à un humain, le plus poignant, pour quelqu'un qui est considéré comme indestructible, est bel et bien de mourir en disant :  "C'est donc à ça que ça ressemble…" »

La toute première fois... il y a 17 ans !
Visiblement indécis, Hugh Jackman se disait prêt, début 2017, à apparaître dans Deadpool 2, avant de changer d’avis puis d’affirmer qu’il pourrait reprendre les griffes s’il intégrait… les Avengers ! Il a évoqué cette hypothèse fin février mais il semble difficile, voire impossible, que cela se fasse un jour, toujours pour cette question de droits de personnages détenus par différents studios de production (Marvel Studios préside aux destinées des Avengers, la Fox possède les X-Men, Deadpool et Wolverine). Mais rien n'est impossible puisque Spider-Man, dont les droits appartiennent à Sony, a réussi à intégrer l’univers cinématographique Marvel contre toute attente, la firme japonaise et la société de production américaine ayant trouvé un terrain d'entente. L’acteur venu d'Océanie avait finalement ajouté lors de la promotion de Logan : « Quand j’ai lu le script, je me suis dit « oui [j’arrête après celui-ci] ». Quand j’ai tourné le film je me suis dit pareil. Mais bon, Dieu seul sait ce que je ferai dans trois ans… même si pour l’instant c’est certain [que j’arrête]. »

 LOGAN de James Mangold  ★ ★ ★ ☆  
 Avec Hugh Jackman, Dafne Kean, Patrick Stewart, Boyd Holbrook, Stephen Merchant...
 Scénario de Scott Frank, James Mangold et Michael Green | 2h15


L'action de Logan se situe en 2029. On nous présente un futur alternatif dans lequel Wolverine est chauffeur de limousine pour particuliers et cache son identité secrète. Il vit caché près de la frontière mexicaine avec le professeur Xavier (Patrick Stewart, dont c’est également la dernière apparition dans un film X-Men) et Caliban (Stephen Merchant), un mutant capable d’en pister d’autres. Tous les trois sont a priori les seuls rescapés de l’extinction des mutants. On ignore la cause de cette disparition mais le long-métrage nous apprend que le professeur Xavier a été responsable d’un terrible drame qui a causé plusieurs morts. Wolverine et lui vont être pris en chasse lorsqu’une jeune fille, Laura Kinney (Dafne Keen, grande révélation du film), alias X-23, créée à partir de l’ADN de Wolverine et possédant les mêmes pouvoirs, interfère dans leur vie.

Suit un road trip très sombre et violent, loin des films de super-héros « classiques ». Le trio cherche à se rendre au Canada (hommage au mutant griffu, puisque c’est son pays d’origine) pour sauver X-23 et d’autres enfants rescapés, sur lesquels des expériences ont été menées : on voulait en faire de parfaits soldats aux pouvoirs surhumains (à l’instar de Wolverine quelques années plus tôt). Ça décapite à tout-va et il y a beaucoup de sang qui gicle ! Un carnage presque ininterrompu qui permet à Logan de bénéficier d’un excellent rythme, sans temps morts. Les scènes « de repos » sont de courte durée et l’ensemble se révèle plutôt sérieux, avec une toute petite touche d’humour et de légèreté.

Malgré le manque de charisme de l’ennemi principal (Donald Pierce, un homme avec un bras bionique interprété par Boyd Holbrook), l’utilisation un peu trop évidente d’un clone de Wolverine (X-24) comme antagoniste et une fin abrupte et trop soudaine, Logan réussit à conclure avec brio les aventures d'un personnage mythique, avec une approche très noire et mélancolique. Et tant pis pour les incohérences et la chronologie, déjà compliquées, du reste de la franchise X-Men, à laquelle Logan fait référence à travers plusieurs clins d’œil ou dialogues.
James Mangold rend par ailleurs hommage à certains films de Clint Eastwood. Le metteur en scène reconnaît avoir puisé dans le western Impitoyable pour son ambiance et son histoire. On trouve aussi des références tirées d’autres réalisations d'Eastwood : L’Épreuve de force, Honkytonk Man, Josey Wales hors-la-loi et même Million Dollar Baby, pour les thématiques brassées.
Hugh Jackman et Daphne Keen forment un binôme solide, atypique et touchant, la jeune actrice (dont c’est le premier long-métrage) est bien la digne héritière de Wolverine.

De nouveaux films X-Men sont prévus, dont trois en 2018 (!) : Dark Phoenix, de Simon Kinberg, qui fera suite à Apocalypse, Les Nouveaux Mutants, de Josh Boone, davantage un spin-off centré sur une nouvelle équipe, et enfin le très attendu Deadpool 2, de David Leitch. Sans oublier la série Legion, acclamée par la critique et le public. Le personnage de Wolverine est-il définitivement mort ? Non. Il peut tout à fait revenir, plus jeune, aux côtés de la nouvelle équipe aperçue dans X-Men : Apocalypse et avec un énième tour de passe-passe lié à un voyage temporel (on n’est plus à ça près avec la franchise). Il peut aussi apparaître en flashback. Ou alors sous les traits d'un autre acteur… la seule question pertinente est : un comédien peut-il remplacer Hugh Jackman en tant que Wolverine ? À l'heure actuelle, cela semble impensable. D’où l'idée, parfaite sur le papier, d’introduire X-23 (voir encadré plus haut).
Nous pouvons revoir une ultime fois Logan dans une version noir et blanc du film. Celle-ci est un bonus disponible sur certaines éditions des sorties en vidéo. Georges Miller avait procédé de manière identique pour son excellent Mad Max : Fury Road. Un ultime voyage monochrome pour dire adieu à Wolverine. Une bonne fois pour toutes ?


Cet article a été publié dans Ciné Saga #18, en avril 2017.