Saint Seiya : La Bataille du Sanctuaire
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Le film d'animation Les Chevaliers du Zodiaque : La légende du Sanctuaire étant sorti en DVD cet été, on ne pouvait pas passer à côté de cette... chose pour le moins étrange.

Si vous ne connaissez pas Saint Seiya, je vous conseille en préambule cet article très complet de Jeff (ou encore celui-ci sur la version Deluxe). L'histoire est très connue et a fait les beaux jours du Club Dorothée. En gros, quelques adolescents dévoués à Athéna vont devoir affronter des adversaires surpuissants afin de faire triompher le bien. Le pitch est bien maigre mais son développement, très riche, avait valu au manga et au dessin animé du même nom de devenir cultes.

Pourtant, Kurumada n'est pas objectivement un très bon auteur [1], son œuvre phare est truffée d'incohérences et surtout se met rapidement à faire du surplace après la mythique bataille du sanctuaire : les autres affrontements (contre les Marinas de Poséidon, les Spectres d'Hadès ou, dans l'anime, les Guerriers Divins d'Asgard) suivront le même schéma en espérant recréer le côté épique de la terrible et inégale lutte contre les Chevalier d'Or.
Il n'est donc pas étonnant qu'un film se penche sur cette partie qui, pour beaucoup, reste le summum de la série.


Du coup, ce qui étonne quand on commence à s'intéresser au film, c'est sa durée incroyablement courte : 1h30 !
Bon, ok, le dessin animé tirait bien en longueur chaque passage de Maison, mais tout de même, on se dit que même une trilogie serait un peu juste pour exposer l'univers, ses concepts, les personnages et détailler chaque combat avec suffisamment de détails et de profondeur pour en rendre le côté parfois dramatique. Alors un unique film, aussi court, ça part mal.

Pourtant, le début n'est pas si mauvais (même s'il sera certainement plus clair pour les adeptes de Saint Seiya que les novices). La fuite d'Aiolos, la découverte de la réincarnation d'Athéna, les chevaliers de bronze, le sanctuaire, bon, tout cela est relativement bien introduit, même si c'est évidemment très condensé.
Visuellement, ça claque. Belles armures (conçues même de manière plus logique) et jolis effets de lumière.
Niveau scénario, on a un peu d'humour et... c'est tout. Parce qu'en réalité, tout le reste est ou bâclé ou très mal fichu.


Tout d'abord, les personnages sont inexistants et dépourvus de psychologie. Seiya fait bien un peu le pitre, mais Shiryu ou Hyoga par exemple sont totalement transparents. Idem pour la plupart des chevaliers d'or. Le seul qui a le droit a une présentation un peu "originale", c'est Deathmask. Et l'effet est catastrophique. En effet, le mythique chevalier du cancer se lance dans une sorte de... délire chanté, comme s'il était dans une comédie musicale. On a l'impression, dérangeante et ridicule, de voir un Luis Mariano sous LSD.

Les combats (l'un des éléments principaux du récit tout de même) sont également très mal mis en scène. Oh, il y a des explosions, des jets de lumière, des ralentis, des accélérations, mais la plupart du temps, les effets tombent à plat. Pour une raison d'ailleurs très simple tenant au traitement des personnages évoqué plus haut.
En effet, pour qu'un combat soit plus que de l'action ennuyeuse, il ne suffit pas que la chorégraphie martiale soit esthétiquement impressionnante (ce qui est de toute façon discutable ici tant l'action est souvent brouillonne), il faut aussi que l'on s'inquiète pour les personnages, qu'il y ait du sens, des motivations, de l'empathie, bref, de l'épaisseur. Et cette épaisseur n'est possible qu'avec une lente construction des personnages.


Un tas de maisons ou de combats épiques sont zappés (ce qui était inéluctable) mais, surtout, les combats restant sont sans intérêt car ils font s'affronter des coquilles vides.
L'amitié, le sens de l'honneur et du devoir, l'abnégation, les sacrifices, les relations parfois touchantes entre maîtres et élèves ou anciens ennemis, tout cela, tout ce qui faisait la substantifique moelle de Saint Seiya est absent.
Qu'il y ait des libertés prises avec l'histoire originale, très bien, c'est le but d'une telle adaptation de toute façon. Que le design soit revisité, c'est un minimum. Que certains éléments soient absents ou raccourcis, c'est inhérent au support. Que des détails secondaires changent (les pandora box, les masques...), on s'en fout pas mal à moins d'être un puriste fanatique qui confond ornements et propos. Mais que ce qu'il reste ce soit des affrontements sans âme, c'est déplorable. Parce que le propre de Saint Seiya, ce n'est pas la castagne, c'est ce qui la motive.

Il y a dans l'œuvre originale de véritables salauds, des tarés, bref, de "vrais méchants", mais il y a surtout des personnages complexes, parfois tourmentés, coincés par leur sens de l'honneur ou abusés par la situation. Il y a aussi des repentirs ou des illuminations de dernière minute. Et surtout, que d'amères victoires, où le chevalier de bronze est amené à tuer un adversaire qu'il respectait et dont il découvre la noblesse !
C'est pour ça que Saint Seiya fait mal au bide et enflamme l'esprit, parce que ce n'est pas manichéen. Bien sûr, les armures, les concepts (le septième sens, les constellations...), les techniques, les allusions à la mythologie, forment un background fascinant, mais le petit plus, l'étincelle essentielle vient de l'aspect vain et inéluctable de cette saga contant l'affrontement de frères d'armes animés souvent du même sens chevaleresque.


Sans cela, il ne reste pas grand-chose. Juste quelques effets pyrotechniques clinquants mais échouant à combler le vide fondamental des personnages, sans passé, sans pensées, sans failles ni personnalité.
Au final, si vous ne connaissez pas Les Chevaliers du Zodiaque, vous en aurez une bien mauvaise image avec ce film. Pour ceux qui connaissent et suivent Seiya depuis ses débuts, il s'agit au mieux d'une curiosité qui n'apporte rien au mythe et tend même à le dépouiller de ses plus beaux attributs.

Beau mais nul, un peu à l'image d'une godiche de télé-réalité, à la plastique parfaite mais au crâne vide [2].




[1] Il existe de nombreux exemples d'auteurs maladroits ayant donné naissance à des univers cultes, citons seulement Lovecraft, incapable notamment d'insuffler de la vie dans ses personnages, mais qui a contribué à mettre sur pied une mythologie riche et fascinante.
[2] En parlant de crânes vides, c'est amusant parce que Télérama, ce torche-cul de programme télé pour bobos neurasthéniques, a accordé trois étoiles à ce film et pondu une critique plutôt bonne. Et ce sont les mêmes qui ont chié sur Matrix ou Interstellar en prétendant que c'était de la "bouillie intellectuelle". C'est d'ailleurs devenu un très bon baromètre (sur internet hein, n'allez pas acheter ça) : si Télérama aime bien, en général ça n'augure rien de bon. S'ils trouvent ça nul, ce n'est pas forcément un bon film mais il y a souvent de bonnes choses dedans. Comme quoi, même les trous du cul ont leur utilité.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une introduction rapide mais plutôt bien faite.
  • Un joli son & lumière.
  • Certaines armures esthétiquement très réussies.

  • Personnages creux.
  • Aucune dramatisation.
  • Des ellipses mal choisies.
  • Combats souvent brouillons.
  • Heu... Deathmask, vraiment ?