Sans un mot, d'Harlan Coben
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En juillet dernier, Nolt se proposait d'aborder Harlan Coben et nous livrait sa critique de Faute de Preuves (Caught en VO).  Profitons-en pour poursuivre sur cette lancée avec Sans un mot, publié deux ans auparavant et également traduit en France par Roxane Azimi.

Un Harlan Coben, ça se lit vite. Tout est relatif, bien entendu, cela dépendra de l’humeur du moment, du temps qu’on peut consacrer à sa lecture et surtout de la propension qu’on peut avoir à apprécier les enchaînements typiques de ce genre de littérature. Mais, franchement, on en vient très vite à bout. Ce n’est pas vraiment un reproche, simplement le constat d’une structure littéraire pensée pour être palpitante et la moins chronophage possible. Typique des bonnes lectures de vacances. Ou avant d’aller dormir.
Celui-ci ne devrait pas faire exception. Non qu’il s’agisse là du thriller le plus palpitant de la décennie passée. C’est surtout que c’est bien fichu, construit avec une rigueur métronomique, mettant en scène des personnages dépeints en deux lignes et trois répliques, sur des chapitres de deux pages et demie, emplis de descriptions réduites à des noms évocateurs, de dialogues à foison, percutants et dynamiques, qui font la part belle à la culture populaire, aux marques « tendance » et aux anecdotes de geek : le rythme, soutenu, ne laisse pas la place au doute, voire même à ce jeu de devinettes que les histoires policières traditionnelles encourageaient à chaque fin de chapitre en forme de cliffhanger.


Dès le début, il y a un crime, assez sordide et violent, pour un motif qui nous échappe, d’autant que les personnages ne correspondent pas à ceux présentés en quatrième de couverture. Le tueur, d’un rare sadisme, aura, on se l’imagine très vite, affaire à Mike et Tia, deux parents modèle qui se font un peu trop de mouron pour leur gamin taciturne, oubliant leur cadette à l’esprit vif. La manière éthiquement discutable dont ils s’immiscent dans la vie privée de leur fiston (ils ne cessent de se justifier par l’inquiétude grandissante qu’ils éprouvent devant les réactions d’Adam) laisse planer les rares moments d’introspection du roman : l’auteur, comme il l’explique dans une postface, n’est pas insensible à cette propension à l’excès de surveillance auquel s’adonnent des parents pourtant profondément impliqués dans l’éducation de leur enfant, et s’interroge sur les nombreux moyens mis facilement à la disposition des éventuels espions amateurs, depuis le pistage des puces GPS des téléphones cellulaires (comme ils le disent outre-Atlantique) jusqu’au relevé de chaque opération pratiquée sur un ordinateur.
Certes, la pratique est un prétexte : on aurait tort d’y voir un pamphlet, ou un essai sur l’éducation. Il s’agit avant tout d’une fiction habile, montée avec un savoir-faire certain entre des personnages plus ou moins bien insérés dans une société qui semble souvent aller plus vite qu’eux. Pêle-mêle seront également abordés le conflit des générations, le racisme ordinaire, l’influence des mass media, etc.
L’important est qu’on y trouve son compte. Si l’on s’attelle à démêler l’écheveau confus qui fait tenir l’ensemble, on s’aperçoit que les tenants sont basiques : de découverte en révélation, nos deux parents, souvent séparément, remonteront le fil de l’enquête qui permettra d’expliciter le suicide de l’un, le changement radical de comportement de l’autre, et rattachera, parfois de manière artificielle, le tueur du début à Mike et Tia, par le biais de voisins désespérés, d’un professeur en pleine détresse, d’une femme vengeresse, d’une fille outrée et de quelques adjuvants compréhensifs, voire complices.

Au rayon des déceptions, une frustration : si l’auteur évoque longuement les circonstances précédant les passages à l’acte, ces derniers (étranglement, lacérations et autres joyeusetés) ne sont que très peu décrits, comme si Coben jetait un voile pudique sur une violence qu’il jugerait inutile, s’autocensurant afin de toucher un plus large public. Ce n’est pas qu’il faille absolument quelques passages bien gore pour faire de chaque thriller un roman réussi, toutefois, dans un récit mettant régulièrement en scène des individus violents, voire psychopathes, cela apparaît comme un manque un peu bizarre. Un vide. Un chapitre se termine ainsi par ce tueur qui envisage de porter un coup, le suivant commencera par la découverte du corps de la victime. Le voile pudique jeté sur le meurtre apparaît bizarrement maladroit et inapproprié.

En dehors de cela, c’est du tout cuit.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Style percutant et efficace.
  • Rythme soutenu.
  • Suspense parfaitement entretenu.
  • Personnages convaincants.
  • Points de vue intéressants sur les déviances de la vie contemporaine.
  • Situations faisant régulièrement appel à des codes connus de la pop-culture.

  • Un manque de profondeur des personnages principaux.
  • Quelques facilités dans les enchaînements et les motivations.
  • Une retenue étrange dans la description des scènes sordides.