Sélections UMAC : le Meilleur du Vampire 1 - au cinéma
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De nos jours, difficile de parler de "vampire" sans que l'image d'un bellâtre à l'épiderme lumineux ne vienne se superposer à celle, presque ringardisée, du comte transylvanien aux dents longues. Cette figure de la littérature gothique qui a fait les beaux jours des Studios Hammer dans les années 50 a subi à la fin du siècle dernier une cure de jouvence qui n'a, la plupart du temps, que réussi à démystifier complètement un être archétypal au potentiel psychanalytique exceptionnel. Sans parler de la vague incessante issue de sagas pour adolescent(e)s, les productions actuelles ont eu tendance soit à ancrer la créature dans un contexte plus moderne (en explorant ses origines ou en tentant d'expliquer scientifiquement ses caractéristiques) soit à miser sur un côté éminemment graphique mis en avant dès les balbutiements du genre (le Nosferatu de Murnau est déjà visuellement splendide - à voir bien entendu dans sa version colorisée).
Si on peut (légitimement) regretter la façon dont le thème a été vulgarisé, presque vandalisé, la dynamique engendrée par ces productions successives a su également donner naissance à quelques projets étonnants, dissonants et toujours intéressants.
Comme d'habitude pour les Sélections UMAC, ne voyez nullement dans ce qui suit un classement de qu'on trouvera de meilleur, mais une présentation rapide d'oeuvres qui nous ont interpellés - et seraient susceptibles d'attirer votre attention.

-- A girl walks home alone at night --

Je décide de commencer très fort avec un de mes chouchous de l'année écoulée, le stupéfiant premier long-métrage de la réalisatrice américano-iranienne produit entre autres par un certain Elijah Wood. Après avoir illuminé quelques festivals par son approche osée, ce mélange de western urbain et de film noir joue en permanence la carte du décalage, situant son action dans une "Bad City" hors du temps au sein de laquelle opère un jeune homme aux allures de James Dean oriental, dont les trafics semblent constamment surveillés par une jeune femme mutique qui ne sort que la nuit et n'hésite pas, tel un spectre vengeur, à s'en prendre à ceux qui enfreindraient une règle qu'elle s'est elle-même imposée.
Entre les scènes n'hésitant pas à questionner fortement la légitimité des contraintes imposées par la société patriarcale iranienne et ces dialogues presque subliminaux sur le destin et la fatalité, Ana Lily Amirpour n'oublie jamais de prendre le contrepied des attentes du spectateur, de quelque obédience qu'il soit, tout en affirmant son savoir-faire étonnant dans une réalisation saisissante bien mise en valeur par une photo (un noir et blanc) absolument sublime. Parfois subtilement sauvages, parfois délicatement éthérés, certains plans peuvent vous marquer profondément.


Un de ces films jouant constamment avec notre image du vampire classique et réussissant parfaitement à en imposer une nouvelle.
Assurément, une excellente surprise et une réalisatrice à suivre.

-- Only lovers left alive --


Ah, ça y est, j'en vois deux qui baillent et un autre qui lève les yeux au ciel. Ça prouve au moins qu'ils connaissent ce métrage de Jim Jarmusch et se disent que cette sélection sera consacrée à des films lents, languissants même, voire carrément mous du genou. Peut-être se sont-ils même fait une opinion sur moi. Pourtant, il ne s'agit pas de mon genre de films favori, mais j'avoue avoir suffisamment d'ouverture d'esprit pour ne pas m'arrêter à un style en particulier. Je ne suis pas fan du réalisateur de Stranger than Paradise, mais j'ai suivi mon instinct (et des conseils de camarades plus avisés que moi) car j'apprécie la nouveauté.
Bien m'en a pris puisque cette autre réécriture contemporaine du mythe vampirique, malgré effectivement un tempo outrageusement délétère, constitue une expérience sensorielle et esthétique incomparable. On y croise Adam, compositeur underground résidant dans les ruines de Detroit, amoureux de la musique dans toutes ses formes d'expression, qui se languit d'Eve, sa bien-aimée depuis des siècles, laquelle cultive sa passion pour les livres dans la nuit moite de Tanger. L'amour et la mort se côtoient constamment dans cette atmosphère fin de siècle et ce monde à l'agonie dans lequel les vampires, quoique rebutés par l'engeance humaine et ses dérives, cultivent jusqu'à l'excès les Beaux-Arts, les seuls véritables apports valables de l'Humanité au monde réel. Se sentant condamnés, trahis même par leur besoin vital (le sang des hommes étant vicié, il leur est difficile de se sustenter efficacement), ils jouent à se faire peur et jouissent de la moindre opportunité. Tom Hiddleston trouve ici un terrain fertile pour son talent effarant (vous l'avez tous adoré en Loki dans les films Marvel) et une partenaire largement à la hauteur en la personne de Tilda Swinton.


Sorte d'opéra immobile, ode à la Culture et élégie nocturne, Only lovers left alive ne laissera personne indifférent. Mais que ses vampires sont beaux - sans être luminescents !

-- Blood, the Last Vampire --


Attention ! Que ceux qui sortiraient de la salle en pensant à la très mauvaise version live de Chris Nahon en 2009 reviennent sur-le-champ : je vais évoquer devant vous ce moyen-métrage époustouflant qui avait profondément marqué les esprits des connaisseurs, et notamment d'un certain James Cameron. Sorti en 2000 au Japon, conçu davantage comme un avant-projet que comme un film à part entière, Blood met à profit l'extraordinaire dynamisme propre aux anime nippons pour construire une histoire cohérente à partir d'un personnage fascinant.
L'action se passe dans les années 60, sur une base militaire américaine sise sur l'archipel japonais, alors que les prémisses de la Guerre du Vietnam se font sentir : une série de meurtres sanglants alerte le gouvernement qui charge une équipe d'agents secrets d'y mettre un terme. Parmi eux se trouve la jeune Saya, infiltrée au sein des enfants yankees qui suivent des cours sans se douter de l'horreur rôdant à l'intérieur même des baraquements. Saya, petite brune renfrognée et peu loquace, est pourtant l'arme absolue de l'équipe : elle est une guerrière impitoyable, entraînée spécialement pour détecter et éliminer l'engeance vampirique à grands coups de sabre.
Sur moins de 50 minutes, on n'a pas le temps de souffler : les meurtres et les éviscérations succèdent aux lacérations sur un rythme effréné. Ici, les vampires sont des Chiroptériens, des démons ancestraux avides de chair et de sang, dotés de capacités métamorphiques et d'une intelligence pratique. Pour les vaincre, il faut avoir le cœur bien accroché même si les armes conventionnelles sont bien peu de choses face à leur puissance dévastatrice. Sauf que Saya n'est pas conventionnelle...


Brutal, sanglant et plein de possibilités malheureusement mal développées ensuite, que ce soit dans la médiocre série Blood + ou les autres supports (manga, jeu vidéo ou romans). Prenons-le comme un one-shot prometteur.

-- Blade II --

Pour ceux qui seraient restés jusqu'au bout, j'avais prévu de basculer dans le plus léger. J'ai longtemps hésité entre plusieurs films ou franchises que je ne dédaigne pas revoir régulièrement, malgré leur côté poseur et/ou grandiloquent. Le Van Helsing de Sommers ? J'avoue que j'aime bien ce délire en forme d'hommage, parfois ridicule mais souvent jouissif, doté d'un méchant de pacotille mais qui sait s'entourer de bombasses volantes (on remarquera que Dracula a souvent bon goût au cinéma). Et puis, Kate Beckinsale, même dans un nanar, c'est toujours un atout. Tiens, d'ailleurs il y a également les Underworld dont le style peut débecqueter mais qui, outre la sublime Kate en combi moulante, bénéficie de la prestation de deux acteurs ultra-charismatiques (Michael Sheen et Bill Nighy). Finalement, mon choix s'est porté sur une série de films à la parenté évidente avec ces derniers, mais dont l'un d'entre eux a réussi à se détacher du lot.
Je veux parler de la saga Blade, adaptée de Marvel. Le premier opus a ses aficionados : photo léchée, montage clippesque, Wesley Snipes prenant la pose mais histoire bâclée et combats manquant de mordant. Le second volet semble reprendre à son compte les mêmes éléments que Blood : du sabre, du sang et des vampires monstrueux. Sauf que Guillermo Del Toro est aux commandes, dans ce qui semble souvent être une sorte de répétition non officielle de Hellboy II, avec en outre l'apparition de ces "Reapers", des vampires mutants d'une férocité inouïe qui seront sans aucun doute à l'origine de sa trilogie livresque la Lignée. Plus couillu que le précédent, mais avant tout plus riche visuellement (la direction artistique regorge de trouvailles géniales), construit sur un montage plus fluide bien que souffrant d'un script encore déséquilibré, Blade II est bourré à ras bord de bons mots et de gunfights, déborde littéralement de testostérone entre un Snipes en roue libre et un Ron Perlman déchaîné (et les fans reconnaîtront sans peine Donnie Yen).



Moins tape-à-l'oeil et plus stylé, plus théâtral et dramatiquement plus riche, c'est de très loin le meilleur film de la série. Cela dit, pour les amateurs, on peut trouver le coffret en blu-ray pour un prix modique.

Les amateurs de torrents d'hémoglobine et de dents pointues seront ravis de savoir que mes gentils collègues d'UMAC vous proposent encore d'autres joyeusetés vampiriques dans les jours à venir.