Les Nouvelles Enquêtes de Ric Hochet
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La bande dessinée franco-belge est à l'honneur aujourd'hui avec le nouvel album de Ric Hochet, récemment sorti en librairie et intitulé R.I.P. Ric !

Ric Hochet, au même titre que Lefranc (de Jacques Martin) ou Tintin, fait partie de ses reporters/détectives qui ont fait les belles heures du journal Tintin.
Créée par Tibet et André-Paul Duchâteau, la série a commencé a être publiée en album en 1964 et s'était arrêtée en 2010, après la disparition de Tibet, sur une 78e aventure inachevée.

Bien que le genre reste celui de l'énigme policière [1], les aventures du sympathique journaliste se teintaient parfois d'une touche de paranormal, à base de vaudou, revenants, extraterrestres ou monstres divers. La conclusion offrait en général une explication rationnelle, mais cette ambiance fantastique faisait assurément frissonner les plus jeunes et ajoutait un charme supplémentaire aux albums.

Avec la sortie de R.I.P. Ric ! et l'arrivée d'une nouvelle équipe créative, c'est une nouvelle ère qui débute pour Hochet.
Le scénario est signé Zidrou, les dessins sont de Simon van Liemt.
Pas vraiment d'énigme à résoudre dans ce récit puisque l'on connaît le "coupable" dès les premières planches. En effet, le Caméléon, alias Philippe Manière, a tout simplement décidé de prendre la place de celui qui l'avait fait jeter en prison.
Alors que Ric Hochet reste impuissant pendant une bonne partie de l'histoire, c'est donc ce double "maléfique" que l'on suit alors qu'il s'ingénie à bouleverser la vie de celui qu'il hait plus que tout.


L'idée de départ, un "faux" Ric Hochet, est presque un moyen (très habile d'ailleurs) pour les auteurs de se prémunir par avance des critiques des "puristes". Il est vrai que reprendre un titre aussi connu n'a rien d'évident.
Et pourtant, les deux auteurs s'en sortent très bien. Zidrou notamment livre ici un texte d'une grande qualité. De nombreuses répliques ne manquent pas d'humour et frisent le pastiche ("Ne me dites pas que vous revenez de l'un de ces périlleux rendez-vous dans un lieu isolé où vous persistez à vous rendre seul et sans arme ?"), d'autres ne sont pas sans une certaine profondeur ("Ce n'est pas moi qui remue le passé, c'est le passé qui me remue.").

Bien que le côté rétro de la série soit respectée (le récit est d'ailleurs censé se passer en 1968, alors que les derniers albums de Ric Hochet se déroulaient de nos jours [2]), le ton est cependant plutôt moderne.
De nombreuses allusions aux enquêtes passées parsèment l'album. Certaines scènes constituent d'ailleurs de vibrants hommages (celle de l'aéroplane coincé sur une corniche, revisitée puis reconstituée à l'identique, est particulièrement astucieuse et nostalgique).


Bien que la série soit destinée à un jeune public [3], l'on est loin de tomber dans l'insipide. Il y a de véritables morts, une ou deux scènes gentiment dénudées, bref, un côté réaliste qui sert les moments les plus dramatiques et apporte cette modernité évoquée plus haut.
Si le début est exceptionnel, l'affrontement final semble un peu rapide et moins inspiré. L'ensemble se lit néanmoins avec plaisir grâce à un juste milieu trouvé entre respect du mythe et évolution des personnages.

Le Lombard réussit donc un beau coup avec ce retour attendu (peut-être plus par les quarantenaires nostalgiques que les adolescents d'ailleurs).
Depuis sa première apparition, gamin, comme simple crieur de journaux, Ric a parcouru un chemin considérable et affronté de nombreux périls. Ses aventures sont aujourd'hui relancées avec talent par un duo prometteur. Et même si son nom peut sembler ringard [4], Ric Hochet pourrait bien faire parler de lui quelques années encore. Le prochain tome est d'ailleurs déjà prévu et s'intitulera Meurtres dans un jardin français [5].

Un classique de la BD, bien repris en main.


[1] A l'époque, le Journal de Tintin proposait même des énigmes illustrées à ses lecteurs, qui disposaient des mêmes indices que Ric pour démasquer le coupable. Ces énigmes eurent alors un grand succès, en partie grâce à une idée géniale : les lecteurs qui parvenaient à résoudre cinq énigmes se voyaient attribuer une carte de "détective amateur", ceux qui menaient à bien quinze enquêtes recevaient le titre envié d'inspecteur.
[2] La série originale suivait même de près l'actualité et les innovations technologiques. Ainsi, par exemple, le 60album de la série, sorti en 1998, s'intitulait Crime sur Internet.
[3] Rien de péjoratif là-dedans, Tibet lui-même estimait avec raison que "Ric Hochet n'était en rien une série pour adultes" (propos recueillis par Patrick Gaumer, dans son livre Tibet, la fureur de rire, et présents également dans le hors série #15 du magazine dBD).
[4] Tibet a un temps regretté ce nom, issu de son amour des calembours. Cela faisait, selon lui, un peu "nunuche", mais comme il a pu le dire, un patronyme comme "Tintin" n'était pas spécialement intelligent non plus (et n'a en rien freiné évidemment le succès du personnage).
[5] Les anciens albums sont, eux, disponibles en Intégrale, chaque tome contenant trois ou quatre aventures, plus divers bonus.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un véritable soin apporté aux dialogues.
  • De nombreuses références, parfaitement intégrées à l'intrigue.
  • Une Nadine très "moderne".
  • Le retour d'une des légendes de la BD franco-belge.

  • La deuxième moitié de l'album, moins bonne en comparaison de l'excellent début.
  • Le choix des années 60 ne va certainement pas aider à convaincre le jeune lectorat, pourtant censé être la cible première.
  • Des dessins manquant parfois de finitions au niveau des décors, voire même des personnages.