L'effet Hawking
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Stephen William Hawking s’en est allé, le 14 mars dernier, au terme d’une vie bien remplie.
L’homme était un scientifique exceptionnel, dont la qualité des travaux, notamment sur la gravité quantique et les trous noirs, sont unanimement reconnus par la communauté scientifique.
Mais Hawking était plus que cela.
Il était un vulgarisateur.

Ce rôle est fondamental. Car Hawking ne s’est pas contenté de faire des recherches en s’enfermant dans la pourtant si enivrante course au savoir. Il fait partie de ces gens qui ont décidé d’expliquer ce qu’ils font. Ce qu’ils comprennent de l’univers.

Hawking était une passerelle. Et les passerelles sont d’autant plus précieuses qu’elles sont rares et relient des points éloignés. Il a permis à des gens, incapables de résoudre des équations complexes, de s’imaginer un peu ce que celles-ci signifiaient. Il a contribué, par son ouverture d’esprit et ses ouvrages, notamment Une Brève Histoire du Temps, à rendre le merveilleux accessible.
Car oui, la science, l’univers, la physique ont un côté merveilleux, magique et contre-instinctif qui fascine et surprend. Personne n’a besoin d’équations, si ce n’est quelques spécialistes. Mais tout le monde a besoin de réponses.
De réponses accessibles.

Cet homme fait partie de ces gens qui vous rendent meilleurs. Qui vous font sentir tout petit aussi, parce que le gars luttait contre une maladie de merde, qui l’a laissé paralysé et le condamnait. Malgré cela, le mec a obtenu un doctorat, s’est marié, a écrit des livres et publié des recherches impactant durablement le monde scientifique.
Le parcours de cet homme est proprement ahurissant. À côté de lui, Indiana Jones, Rambo et Luke Skywalker sont des petites choses fragiles.
En 1985, après une pneumonie qui le laisse encore plus handicapé, on propose à son épouse de le « débrancher ». Elle refuse.
Walt Waltosz, un informaticien américain, va alors construire un dispositif permettant à Hawking d’utiliser un ordinateur, ses propos étant relayés par un synthétiseur vocal.
La maladie progresse encore. Le mec tient.

En 2001, perdant l’usage de ses mains, c’est un système hallucinant, détectant les infimes contractions des muscles de sa joue, qui vont lui permettre de continuer à communiquer…
Cet Homme, et là, la majuscule s’impose, a continué, malgré son état, à écrire, donner des cours, et vivre, tout simplement.

Ce génie, enfermé dans un corps en ruine qui le lâchait peu à peu, a connu un destin tragique. Mais aussi merveilleux, dans le sens où tout le monde (ou presque) connait ce scientifique (et pas seulement à cause de The Big Bang Theory) et dans le sens où tout le monde peut apprendre de ce gamin anglais, né pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L’effet Hawking, celui qui impacte bien au-delà du monde scientifique, c’est probablement cela. Un mélange de courage et d’abnégation, couplé à un désir de partager le savoir, de réenchanter le monde. De transmettre des clés. De tenir un rôle de passerelle branlante entre des gens et des sphères d’intérêt en apparence éloignés.
L’effet Hawking, c’est la croyance fondamentale que les Ténèbres ne sont que provisoires. Et que la lumière a ceci de bénéfique qu’elle éclaire tout le monde, sans distinction.

Par un hasard assez douloureux, nous avons lancé, sur UMAC, une rubrique de vulgarisation scientifique la veille de la mort de Stephen Hawking.
Bien que cette rubrique soit supervisée par Cédric, un véritable physicien, chercheur et enseignant, ayant lui aussi l’envie de transmettre, d’expliquer, d’émerveiller, nous n’avons évidemment pas la prétention d’égaler ce que les grands vulgarisateurs ont pu faire jusqu’ici. Nous essayons simplement, par fascination pour la science et ce qu’elle a de fantastique, de partager ce que nous savons. De faire reculer les ombres et l’ignorance. De susciter des vocations, pourquoi pas ?
Mais cette inspiration, cette passion, cette curiosité, nous les devons à de grands pionniers, et notamment à Stephen, qui restera à jamais un génie, un type inspirant et, en tout cas je le crois, ce qui se rapproche le plus de ce que l’on peut qualifier de super-héros. À cette différence près que lui n’a pas eu à combattre des super-vilains fictifs mais la froide saloperie du réel.


UMAC dédie respectueusement ce modeste article à la mémoire de Stephen William Hawking (1942-2018). 



[1] Crédit photo : David Montgomery